Les maladies non infectieuses du poumon après une allogreffe de cellules souches de moelle osseuse

DSC_0309EGMOS apporte depuis plusieurs années un soutien régulier aux études entreprises par Madame le Pr. Anne Bergeron-Lafaurie sur les complications pulmonaires pouvant survenir après une allogreffe de cellules souches de moelle osseuse. Nous allons ci-après évoquer les maladies interstitielles pulmonaires non infectieuses survenant en post-greffe. Nous dirons ensuite quelques mots sur la bronchiolite oblitérante et les études réalisées par le Pr. Anne Bergeron-Lafaurie sur sa prévention.

Les maladies interstitielles pulmonaires non infectieuses après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques

Des complications interstitielles tardives non infectieuses du poumon peuvent survenir après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Ce sont des maladies souvent négligées dont il existe peu de données dimage arbre bronchique et loupeisponibles. Ces pathologies mal diagnostiquées car souvent attribuées à une cause infectieuse sont caractérisées par la présence diffuse d’opacités du parenchyme pulmonaire bien visible sur scanner. Le parenchyme qui comprend les alvéoles, les conduits alvéolaires, le tissu interstitiel ainsi que les petits vaisseaux sanguins, assure le fonctionnement essentiel du poumon en permettant les échanges gazeux.

Une étude médicale

Des équipes de Paris (hôpital Saint-Louis) et en région ont entrepris de mettre en commun leurs compétences pour tenter de comprendre ces pathologies. Il s’agit d’une étude rétrospective prenant en compte les données cliniques, radiologiques, les tests de la fonction respiratoire de patients diagnostiqués pour une maladie interstitielle du poumon entre 2001 et 2010 dans le Centre de Saint-Louis. Cette étude rétrospective réalisée sur 42 patients est la plus documentée de toutes celles qui ont été conçues jusqu’à maintenant. Elle met en lumière l’existence en post-greffe de ces maladies interstitielles non infectieuses du poumon et donne quelques informations sur les caractéristiques de cette complication.

Les constatations

Il ressort de cette étude plusieurs indications. Elle nous apprend que le temps moyen entre le début de l’allogreffe et le diagnostic de la maladie interstitielle non infectieuse du poumon est de 11,3 mois. Que 75% des allogreffes ont été faites avec des cellules souches hématopoïétiques obtenues par prélèvement périphérique. Dans l’étude, ces maladies étaient fréquemment associées en période pré-greffe à des conditionnements non-myéloablatifs. Lorsque les tests de la fonction respiratoire sont réalisés, ils montrent majoritairement des troubles ventilatoires restrictifs. Il ressort également de cette étude que 35 malades (87,5%) ont été traités avec des corticostéroïdes, que 13 patients (32,5%) sont décédés dont 10 d’une insuffisance respiratoire et que le taux de survie moyen à 24 mois est de 61%. L’utilisation du scanner à haute résolution met en évidence deux types de signes d’opacités alvéolaires.

Les relations possibles de ces maladies interstitielles avec la GvH chronique

La survenue d’une pathologie non infectieuse après allogreffe de cellules souches hématopoïétiques soulève l’hypothèse d’une forme de GvH chronique. L’étude révèle qu’au moment du diagnostic de ce type de pathologie du poumon, 70% des greffés ainsi diagnostiqués avaient contracté une GvH chronique extra-thoracique (GvH cutanée ou digestive). Le peu de biopsies réalisées révèlent plusieurs entités de ces maladies interstitielles non infectieuses du poumon : les pneumonies interstitielles lymphoïdes chroniques, les dommages alvéolaires diffus et les pneumonies interstitielles non-spécifiques. Elles correspondent à des signes cliniques bien précis qui ne parlent qu’aux spécialistes. Cependant, l’indication d’une biopsie pulmonaire dans ce contexte doit être discutée au cas par cas.
Certaines pathologies interstitielles non infectieuses du poumon survenant après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques sont souvent attribuées à un syndrome de pneumonie idiopathique. Ce sont, comme le nom l’indique, des affections mal définies dont on ne connait pas aujourd’hui la cause. Leur diagnostic repose, après exclusion d’une infection ou d’un œdème pulmonaire, sur une opacité visualisée par une radiographie thoracique. Contrairement aux maladies pulmonaires décrites dans l’étude du Pr Bergeron-Lafaurie, leur survenue moyenne est de 19 jours après l’allogreffe et est souvent associée à un conditionnement pré-greffe intensif.

Particularité : parmi les maladies interstitielles pulmonaires non-infectieuses, les plus fréquentes semblent être des pneumonies organisées. Plusieurs études paraissent montrer que leur survenue est associée à une GvH aiguë ou chronique. Cette pathologie est définie par la présence de bourgeons fibreux lâches dans les alvéoles constitués de cellules inflammatoires, de fibroblastes et de tissu conjonctif. Beaucoup de patients présentent des troubles ventilatoires restrictifs et une diminution de la capacité de diffusion du monoxyde de carbone. Ces pneumonies organisées ont la caractéristique fréquente d’être sensibles à une corticothérapie.

Autre particularité : certaines maladies interstitielles surviennent en post-greffe dans un contexte d’auto-immunité. En effet, la présence d’auto-anticorps est fréquemment constatée dans le sérum des greffés. Dans certains cas, la GvH prend la forme de véritables maladies auto-immunes, parfois avec une atteinte pulmonaire, qui peuvent être décrites comme des présentations cliniques de sclérodermie, ou de vascularite.

Conclusion

Presque tous les patients qui ont développé tardivement une maladie interstitielle non infectieuse du poumon ont fait l’expérience d’une GvH aiguë ou chronique. Malheureusement compte tenu du caractère rétrospectif de l’étude et du petit nombre de patients, il est impossible d’avoir une conclusion scientifique définitive à ce sujet. A cause du nombre de biopsies insuffisant, il est difficile de corréler les diagnostics radiologiques et cliniques avec des données histologiques. Une autre étude est actuellement en cours pour tenter de préciser ce point très important pour optimiser la prise en charge des patients. Toutefois et contrairement à la bronchiolite oblitérante, un nombre important de greffés traités avec des corticoïdes ont eu, soit une rémission complète de leur maladie interstitielle, soit une amélioration de leur fonction pulmonaire.

La bronchiolite oblitérante

La bronchiolite oblitérante est la seule affection qui est fermement reconnue pour être la conséquence d’une GvH chronique après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Les biopsies et les études épidémiologiques paraissent aller dans ce sens.
La bronchiolite oblitérante se définit par des lésions des parois des bronchioles infiltrées par des cellules inflammatoires notamment des lymphocytes et des polynucléaires neutrophiles progressivement remplacées par du tissu fibreux. En raison des différents stades de la maladie et de la difficulté chez ces patients fragilisés d’obtenir des biopsies de tissu pulmonaire, le diagnostic porté n’est pas toujours précis et souvent tardif. La toux et la dyspnée sont les symptômes les plus fréquents mais chez d’autres patients des sifflements respiratoires ou bien encore des infections à répétition peuvent être les signes de la maladie. Un trouble ventilatoire obstructif des bronches repéré par les épreuves fonctionnelles respiratoires révèle souvent mais d’une manière tardive, une bronchiolite oblitérante après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Le handicap respiratoire induit par la bronchiolite oblitérante est de gravité très variable.

Les traitements de la bronchiolite oblitérante

Comme pour les GvH cutanées et digestives un traitement intensif par immunosuppresseurs est souvent prescrit. Quelques études rétrospectives mesurant l’efficacité de ces thérapies font état de résultats peu satisfaisants. En effet, plus de la moitié des patients ayant reçu des immunosuppresseurs souffrent quand même d’insuffisance respiratoire ou d’infections favorisées par ces traitements.
L’administration associée par voie inhalée (comme un spray) du Budésonide, un corticostéroïde et du Formotérol, un bronchodilatateur semble donner de bons résultats.

Projet de prophylaxie de la bronchiolite oblitérante

Afin de répondre au peu d’efficacité des thérapies, Le Pr Anne Bergeron-Lafaurie du service de pneumologie de l’Hôpital Saint-Louis a proposé un projet de traitement prophylactique de cette pathologie. L’étude consiste à évaluer l’efficacité d’un macrolide (l’azithromycine) dans la prévention de la bronchiolite oblitérante faisant suite à une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Ce macrolide est un antibiotique qui, lorsqu’il est donné à faibles doses, a des effets anti-inflammatoires et immunomodulateurs au niveau des petites voies aériennes (bronchioles). De fait, administré aux patients en décours de greffe, il pourrait avoir une action préventive de la bronchiolite oblitérante.

L’évaluation de l’azithromycine en cours de réalisation

En raison de la bonne tolérance de ces traitements, l’azithromycine peut donc être d’un grand intérêt dans la prévention de la bronchiolite oblitérante survenant après une allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. Les critères d’évaluation se font en double aveugle sur 460 greffés répartis dans 20 centres français d’allogreffe de cellules souches hématopoïétiques. La moitié d’entre eux reçoit dès le conditionnement, 3 fois par semaine pendant 2 ans, 250 mg d’azithromycine, l’autre moitié se voit administrer dans le même temps un placebo selon les mêmes modalités. Les médecins en charge de l’évaluation ignorent les patients qui ont un placebo de ceux qui reçoivent réellement de l’azithromycine. Cette évaluation est en cours de réalisation et nous ne manquerons pas d’informer prochainement les adhérents des résultats obtenus.

Conclusion

Nous vous remercions Madame Bergeron-Lafaurie pour votre disponibilité à nous recevoir et à répondre à nos questions. Nous sommes très attentifs au suivi de vos travaux dont les premiers résultats sont porteurs de beaucoup d’espoir. C’est la raison pour laquelle les greffés soutiennent vos études et vous souhaitent le meilleur succès possible dans la poursuite de votre entreprise.

Synthèse réalisée par Gilbert Bodier

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